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Café de filles
25 avril 2008

Oui mais moi c'est plus pire

J’aime pas les hiérarchies dans la souffrance.
Les gens (dont je fais certainement partie) ont tendance à croire que pour eux c’est pire. Ou à vouloir faire croire que, aussi.

Je me souviens quand j’étais  en primaire, il y avait une fillette de 12 ans qui était décédée dans la ville dans laquelle j’habitais.

Pendant des mois, ça a été à celui ou celle qui aurait le plus de peine. Sachant que la plupart des gens ne la connaissaient pas, bien entendu.

Pour moi c’est horrible parce que la fille de la sœur du père de mon ancien voisin c’était sa meilleure copine. (Comprenez elles avaient joué ensemble, une fois, en 1988 à peu près)

Ouais mais pour moi c’est pire parce que trois jours avant qu’elle meurt je l’avais aperçue chez le fleuriste.

Franchement je crois que le summum du pire, c’est moi, parce qu’on a le même prénom.

J’ai du mal à comprendre cette manie de vouloir s’approprier les souffrances, cette façon de vouloir gagner à tout prix dans cette « battle » du plus offrant.

Je me dit que c’est peut-être une façon de justifier une souffrance réelle mais pas ressentie comme légitime. Se trouver des liens, des circonstances aggravantes, c’est peut–être une façon de dire : je suis triste et regardez, j’ai des raisons de l’être.

Sauf que pour être triste de la mort d’une petite fille de 12 ans, il y a pas besoin de raisons. C’est triste tout seul.

Sans aucune commune mesure, je me souviens de mon tout premier chagrin d’amour : je pleurais du matin au soir et j’avais l’impression de crever de l’intérieur. Quelques mois avant, une de mes cousines s’était faite quitter par son copain et elle était malheureuse. Un jour, je la vois et je lui explique tout.

Elle me demande combien de temps on est restés ensemble. Je lui réponds 3 mois. Elle me dit :
« Dis toi que toi c’est rien à côté de moi, puisque nous on est restés un an ensemble. »

Sauf que toi t’es pas moi, que lui c’était pas lui et que par conséquent vous c’était pas nous.

Il y a des gens qui se séparent à 20 ans et mettent 5 ans à se relever. D’autres qui se séparent à 50, après 30 ans de vie commune, et qui refont leur vie au bout d’un an.

Il y pas de plus pire et pas de moins pire. Il y a pas de circonstances aggravantes ni de circonstances atténuantes dans la douleur et le chagrin.

On console pas un ami en dépression en lui disant qu’on a plus de raison d’être triste parce qu’on a perdu deux proches. Si je me prends le petit doigt de pied dans un meuble, j’aurais pas moins mal en pensant aux enfants qui meurent de faim. Et les enfants qui meurent de faim, ils auront pas moins faim en se disant qu’il y a des gens qui perdent deux de leurs proches.

Kmille, en mode tu-préfères-faire-une-dépression, perdre-deux-de-tes-proches-ou-mourir-de-faim ?

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Commentaires
C
Ah ! oui, j'aime lire ces mots là, ces réflexions. J'avais envie d'ajouter que ce n'est pas parce qu'on "refait" sa vie qu'on oublie l'autre. Ce n'est pas parce qu'on rit qu'on oublie ceux qui sont partis. On se construit avec nos bonheurs et nos malheurs. Qu'est ce que c'est bon de Vivre ! Qu'est ce que c'est bon de Lire les articles de Kmille (quand ils ne sont pas trop 'doigts'!Kiss.
D
"sont plus graves" pas "son"...
D
Evidemment qu'il y a une hiérarchie de la souffrance, c'est normal et c'est même une bonne chose. Je sais que le politiquement correct impose de ne pas en établir, mais doit-on forcément l'être? (politiquement correct j'entends).<br /> <br /> Lorsque tu parle de souffrance, notamment dans le dernier paragraphe, tu le fais en comparant des choses incomparables (c'est d'ailleurs pour ça que quelqu'un l'a tourné en dérision en reprenant Palmade) : tu compare la souffrance physique à une souffrance d'un autre ordre... <br /> <br /> La hiérarchie des souffrance existe (oui, c'est pire de mourir de faim que de mourir de vieillesse, oui c'est pire de se casser le doigt que de se planter une écharde, oui c'est pire de perdre des proches que de se lamenter pour une histoire de cœur), la question n'est pas de savoir ce qui est pire, la question c'est de savoir ce qu'on peut tolérer ou pas : une écharde chez un douillet peut engendrer plus de souffrance qu'une fracture chez quelqu'un d'autre, un chagrin d'amour chez quelqu'un de fragile sera moins tolérable que la perte d'un proche pour quelqu'un d'autre, etc.<br /> <br /> Bref, ce n'est pas la hiérarchie des souffrances qu'il faut remettre en cause, c'est plutôt la tendance qu'on les gens à projeter leur propre tolérance sur les autres. On est tous différent, on a tous des degrés de sensibilité variable (on peut résister stoïquement à des douleurs insupportables et pleurer devant "plus belle la vie", on peut être insensible à la mort d'un proche et pleurer tout les soirs à cause de la misère dans le monde, etc.) et il faut accepter ces différences tout en étant conscient que malgré tout, certaines choses son plus grave que d'autre. Faut relativiser dans la vie, sinon on reste enfermer dans un monde égoïste.<br /> <br /> ++
K
Ou pas plutôt que ça fasse un gros "prout" à chaque fois que tu t'assois ? <br /> Niko : pourquoi ? Il s'est passé quoi il y a un an ?<br /> La fée Clochette : Non évidemment, rien à voir avec le fait d'oublier la souffrance des autres ! Au contraire, ne pas chercher à la mesurer c'est leur accorder le droit de souffrir. Et si tu faisais référence aux gens qui meurent de faim, tu as moins mal au doigt de pied quand tu penses à eux toi ? Et tu les oublies si tu t'accordes le droit d'avoir mal ? Moi non...
L
en fait l'idéal ça serait d'arriver à se souvenir en chaque circonstance qu'aucune souffrance n'est mesurable. Certes ça n'est pas simple mais c'est vrai, on a le droit de s'accorder de souffrir et de ne pas forcément vouloir qu'on nous fasse relativiser. <br /> Pour autant est ce qu'on doit oublier la souffrance des autres? Je ne crois pas :)
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