Marie-Claire Idées - dossier spécial Ados (rebelles et qui se cherchent et qui parfois sentent le fauve)
Quand je suis rentrée chez mes parents la dernière fois, ma maman m’avait fait une surprise.
Envolée ma chambre d’ado, refaite avec mon père et mes boutons quelques jours après mes 17 ans.
A l’époque, la tendance déco avait un goût de chiotte. Le problème c’est que moi aussi. Du coup on s’entendait bien la tendance et moi.
Alors on accrochait des tentures partout. Indiennes, les tentures, avec des bordures dorées dans tous les sens. Je mettais de l’encens pour faire plus cool, et ça puait tellement que ma sœur pétait un câble à chaque fois.
Pour montrer qu’on était pas racistes, il fallait mettre des trucs africains un peu partout. J’étais pas du tout raciste. Mais alors pas du tout du tout. Ca dégueulait de statuettes africaines, si vous préférez mieux.
Ton rideau, il fallait que ça soit un voilage. Sinon t’étais vraiment pas dans le moove. J’en avais un orange. Pour aller avec le rouge le rose le bleu et le doré de la tenture.
Sur ma commode, il y avait une assiette avec du sable dedans. Bah oui quoi. Afrique, soleil, statuettes, sable. Normal. Avec un petit bout de bois dedans pour inscrire des lettres chinoises. Culture, pas raciste, la France c’est de la merde, Afrique, Chine, ailleurs, même combat quoi.
Et des bougies. Partout. Même mon cierge de première communiante que si ma grand-mère savait que ça m’avait aidé à allumer mes cigarettes à la tisane et mes joints elles se retourneraient dans sa tombe.
Le lit ? Par terre. Non mais on est pas des bourgeois attend, tu crois quand même pas qu’on va dormir sur un lit avec un sommier et des pieds alors que des enfants meurent de faim et qu’il y a presque plus d’arbres en Amazonie ?
Par terre donc, avec des coussins partout. Turquoise, vert anis et jaune, pour aller avec l’abat-jour mauve.
Incrusté d’éclats de miroir, l’abat jour. Mais oui vous vous rappelez, à l’époque il y avait que ça. Des bouts de miroir incrustés dans les abats jour, les couettes, les nappes, les foulards, les sacs à mains, les pantalons, les portefeuilles. Six mois de plus et ça envahissait les serviettes hygiéniques. On l’a échappé belle.
J’avais une carte VIP chez Maison du Monde et une carte de membre chez Nature et Découverte. Je rêvais d’avoir une table basse dans ma chambre, et même que dessus je pourrai servir du thé à la menthe en faisant un gros jet très haut. J’aimais pas le thé à la menthe, ouais, et alors.
Je laissais traîner près de chaîne Hi-Fi mes CD de Bob. Ceux de Mariah Carrey ils étaient cachés en dessous.
Sur le mannequin sous la tenture, j’avais accroché des grandes écharpes, avec des pompons et des bouts de miroir. J’avais fait en sorte que ça fasse négligemment posé. Ca m’avait pris trois heures.
Kmille, en mode c’est-une-page-qui-se-tourne (mais maintenant ma piaule elle tabasse. Je vous raconterai. Ou pas.)