Les histoires les plus longues ne sont pas forcément les meilleures
Le coup de foudre peut frapper n’importe quoi. Même à 14h12, en mangeant une boîte de sardines devant Jean-Luc Delarue.
Ce mec-là, il faisait tâche dans le décor des invités. Enfin, belle tâche quoi. Le genre de tâche qui ne porte pas de chemise brillante, ni de gourmette en or, qui dit « la sœur de » et connaît le subjonctif, Le genre de mec qui n’a rien à foutre sur le plateau à Jean-Luc, quoi.
Le sujet, c’était « Entre eux c’était pourtant mal parti… ». Et il a parlé d’une nana qu’il avait rencontré sur un site Internet, et que nous appellerons Josiane pour préserver son anonymat et parce qu’elle mérite pas mieux. Le jour où ils ont décidé de s’installer ensemble, il lui a annoncé qu’il avait quelques dettes. Alors elle lui a mené une vie d’enfer, l’a traité comme une sous-merde et a fini par le larguer sur son lit d’hôpital, alors qu’il se remettait d’une tentative de suicide.
J’étais pendue à ses lèvres comme mon filet de sardine aux miennes : beau gosse, jolie voix, diction impeccable, œil vif, poil soyeux.
Et divorcé, père de deux enfants, dépressif et suicidaire, encore amoureux de son ex.
Bref, le candidat idéal.
Puis bon, le mec qui se fait traiter comme une merde mais en demande encore, qui s’accroche à des rêves comme une huître à son rocher, moi ça me parle. Allez savoir pourquoi. Et ne me le dites pas.
Bref à ce stade, j’étais déjà amoureuse. Prête à éponger ses larmes et ses dettes, à lui ouvrir mon cœur et mes cuisses, à manger plein de sardines avec lui devant Delarue, pendant que j’allaiterais notre petit Jean-Luc tout en torturant une poupée vaudou qu’on aurait appelé Josiane.
Lors des soirées où les gens nous diraient, plein d’admiration et de rêve dans les yeux : « mais comment a commencé votre merveilleuse histoire », il répondrait en me regardant tendrement : « Elle m’a eue à l’usure ».
Et là on rirait tous les deux, un peu gênés d’afficher avec ce « private joke » notre complicité au grand jour.
En fait l’histoire (parce que toi non plus, du coup, tu comprends pas), c’est que sa Josiane, là, il lui avait promis qu’elle finirait par l’aimer, qu’il l’aurait « à l’usure ». Et il était triste d’avoir échoué. Du coup je m’étais dit que je lui écrirai un mail après l’émission, où il y aurait juste écrit « Je t’aurais à l’usure » avec une photo de moi nue.
Bon ok. Je me suis pas dit que j'allais l'écrire. Je l'AVAIS écrit.
Et au moment d’envoyer, Jean-Luc a dit l'indicible en s'adressant à mon futur mari.
« Et la personne que nous nous apprêtons à accueillir est très importante aujourd’hui pour vous, puisqu’il s’agit de… Josiane ! »
...
C’est vrai que c’était le thème de l’émission après tout. Un léger détail que j'avais légèrement oublié, en somme.
Notre histoire s’est terminée tout de go. Je suis pas le genre de fille à me voiler la face avec des histoires pas possibles.
Elle aura duré une heure, en tout.
Mais c’est pas la taille ni la durée qui comptent, comme dirait mon ex.
Kmille, en mode-heureusement-que-j’avais-pas-eu-le-temps-d'envoyer-les-faire-part