Soldes
Ca ne vous a pas échappé, en ce moment, c'est les soldes.
Une période assez périlleuse, en ce qui me concerne.
Faut dire qu'il y a pas encore pas si longtemps, j'étais du genre à péter un plomb dès que les étiquettes me narguaient de leurs gros "-70%"; "32 pour le prix de 4" et autres "un coursier nu offert pour tout achat de 3 euros et plus".
Enfin à l'époque, j'appelais pas ça "péter un plomb". Mais plutôt "faire de bonnes affaires".
Comme ce petit pull laine-cachemire-mohair à manches courtes, idéal pour les jours où il fait -10° mais que tu as quand même envie d'avoir les bras à l'air.
Ou ce pantalon sur-soldé rapport à un léger défaut de fabrication (une troisième jambe).
Ou encore ces marinières achetées convulsivement, jusqu'à en avoir le mal de mer et envie de vomir en regardant ma penderie, au même titre que ces cardigans noirs. "Un indispensable" que je me disais... Oubliant qu'à partir de 37 exemplaires il l'était plus vraiment et surtout, qu'il y a un moment où je finirai forcément par ne rien avoir pour aller avec, à part une marinière et un autre cardigan noir indispensable, dans lesquels je pourrai toujours essayer de faire rentrer mes deux jambes pour ne pas avoir complètement le cul à l'air.
Mais tout ça c'était avant.
Aujourd'hui j'arpente les rayons, un regard distancié et ironique sur les matraquages du marketing. Dans ma tête je chantonne "il ne peut plus rien nous arriver d'affreux maintenant" et des pâquerettes me sortent des oreilles (mais vous inquiétez pas c'est pas douloureux).
Mon regard glisse sur les vêtements pendant aux cintres comme des sexes mous.
Quand je vous dis que je suis vaccinée.
Puis soudain, je Le vois.
Mes yeux passent d'abord sur Lui sans Le remarquer et ma tête continue sa rotation à 180°, balayant le reste du magasin.
Puis, mes yeux y retournent, beaucoup plus vite cette fois, entraînant dans leur mouvement mon cou (et le reste de mon visage tant qu'à faire).
Tu vois ce que je veux dire ?
Comme ça, ça fait un peu L'exorciste mais en vrai je t'assure c'est beau comme dans une comédie adaptée d'un roman de Marc Lévy.
Autour de moi, tout devient flou.
Au ralenti, on court L'un vers L'autre.
Enfin moi surtout, parce que Lui dans son genre il est plutôt stoïque.
En m'approchant, je prie pour que le charme ne se rompe pas. Jamais.
Je continue ma course folle et seuls 30 cm nous séparent désormais.
(C'était une petite course, mais au ralenti forcément, c'est plus long)
Ca y est. Nous nous toisons.
Lui, imperturbable.
Moi, fébrile comme un pédophile au salon du livre jeunesse.
Je m'approche, tend ma main vers Lui. Je Lui touche le bouton, et la doublure un peu. Je sais c'est indécent, et un peu rapide aussi, mais en amour il n'y a pas de règles (sauf une fois par mois).
A peine le temps de lui murmurer : "Mais qu'est-ce qu'il nous arrive ?" qu'il a déjà élu domicile au creux de mon coude.
Le feu aux joues et l'oeil pétillant, je rentre chez moi en serrant bien fort dans mes mains le sac enfermant mon nouveau cardigan manches courtes en laine à rayures.
Idéal pour le jour où j'aurais envie de vomir et d'avoir les bras et le cul à l'air.