Vous êtes grands, je suis toute petite
Quand j’étais petite, j’étais mal à l’aise avec les grands. Les grands, je veux dire les vieux. Ceux qui avaient plus de 12 ans et demi quoi. Je me souviens que j’angoissais à l’idée qu’un jour je serai obligée de travailler avec des vieux et même d’avoir des amis vieux.
Maintenant ça va mieux je vous remercie. Je leur parle, souvent ils me répondent, et je suis même plus mal à l’aise. La plupart du temps.
Sauf tout à l’heure. C’était pour un truc de boulot, et je me suis sentie comme une gamine sauf que j’étais dans le corps d’une grande. Autant vous dire que c’était pire. Parce que la gamine, si elle se sent perdue, elle s’arrête, elle met son pouce ou son index dans sa bouche, elle se cale entre les deux genoux de sa maman et c’est vite réglé.
La seule chose que j’avais envie de mettre dans ma bouche c’était une cigarette. Et les seuls genoux dans lesquels je pouvais me réfugier, c’était ceux de ma filleule de 13 ans.
Du coup dans ma bouche j’ai mis une part de galette à la frangipane. Je déteste la frangipane. Et pendant que je me débattais avec les miettes collées autour de mes lèvres et mes doigts luisants de beurre, je regardais autour de moi.
Que des blondes, partout, avec leurs maris blonds et leurs enfants blonds. Tous habillés pareil les mômes. Horriblement beaux, dans des vêtements horriblement raffinés. Il y en avait à peu près deux par couple. Mais attention, pas deux filles et deux garçons, ça c’est réservé aux couples qui ont pas de chance. Et le couple blond a de la chance. Il a engendré, un garçon et une fille. Léo et Clara. Apolline et Hugo. Enzo et Léa. Ou Soizig et Malo. Deux ans d’écart, jour pour jour.
Et alors que je pourrais faire ma maligne comme je suis en train de faire, à dire que tout ça est vraiment ridicule et qu’heureusement que j’ai l’esprit beaucoup plus ouvert, bah je me suis sentie plus bas que terre. De la taille de celle qui pourrait se réfugier dans les genoux de sa filleule de 13 ans. Je ne savais pas où regarder, où mettre mes mains, comment mouvoir mon corps ni où m’arrêter. On se sent toujours moins con en mouvement.
Du coup je me suis mis en tête de faire le tour du bar, avant de m’apercevoir qu’il n’offrait pas cette charmante possibilité. Un coup d’œil errant sourcils froncés pour faire genre je me retrouve face à un mur mais c’est tout à fait maîtrisé je cherchais juste à en voir la couleur de plus près, ce qui vous en conviendrez est fort habituel dans une réunion de ce genre.
27 secondes après être entrée, je suis sortie, avec l’impression d’avoir perdu 12 ans et 70 cm. Et la ferme résolution de ne plus jamais me laisser impressionner par des mèches blondes et de ne plus jamais bouffer de la frangipane pour me donner de la contenance.
Kmille, en mode et-de-ne-plus-jamais-bouffer-de-la-frangipane-tout-court